…quand l’amour et l’incompréhension se confrontent
En ce mois d’octobre, mois de sensibilisation au cancer du sein à travers Octobre Rose, je souhaite partager un aspect très personnel de mon parcours, car je pense qu’il est essentiel d’ouvrir le dialogue sur ce que vivent les malades, mais aussi leurs proches.
Le 6 juillet 2023, j’ai reçu un diagnostic de cancer du sein triple négatif, très agressif. J’ai subi un long protocole de chimiothérapie de 7 mois, suivi d’une ablation totale de mon sein avec un curage axillaire en février 2024. Après ça, j’ai poursuivi avec 6 semaines de radiothérapie à Toulouse, à 1h30 de chez moi. En parallèle, je prenais une chimiothérapie en comprimés qui décuplait les effets des rayons…
Tout au long de ce parcours, le soutien de mes proches a été crucial, et sans eux, je sais que ces mois auraient été encore plus difficiles à traverser. Pourtant, cet été, j’ai pris une décision qui a bouleversé mon entourage.
Ma décision d’arrêter la chimiothérapie
Cet été, j’ai pris la décision d’arrêter la chimiothérapie médicamenteuse, une chimio dite de « maintien », que j’avais commencé pendant les rayons.
Après des mois de traitements lourds, je me sentais complètement épuisée. La chimiothérapie avait intensifié les effets des rayons, ce qui a rendu ma peau extrêmement sensible et douloureuse. À ce moment-là, je n’avais même pas encore cicatrisé de mon opération, et cette accumulation de traitements devenait insupportable physiquement et mentalement.
En plus de ces effets physiques, les traitements avaient aussi un impact sur ma capacité à réfléchir. Mon esprit était constamment embrumé, comme si mon cerveau était en bouillie. Parfois, je ne comprenais même plus ce que les médecins me disaient, parceque j’étais perdue dans une sorte de brouillard mental. J’avais un besoin urgent de retrouver un fonctionnement cognitif normal pour me sentir moi-même à nouveau.
Ce comprimé de chimiothérapie était finalement la seule chose que je pouvais contrôler depuis des mois. Alors mettre fin à ce traitement était une manière de reprendre le contrôle sur un parcours qui m’avait souvent échappé. C’était une décision mûrement réfléchie, avec laquelle j’étais (et je suis toujours) pleinement alignée.
Mais cette décision a aussi marqué un tournant dans mes relations avec mes proches. Je me suis fâchée avec certains membres de ma famille, car ils n’étaient pas vraiment d’accord avec ce choix. Leur amour et leur inquiétude pour moi les ont poussés à se détourner, à prendre du recul, à me laisser tranquille. Après avoir été entourée presque en permanence pendant des mois, j’ai soudain ressenti l’effet inverse : je me suis sentie complètement abandonnée.
Le soutien inestimable des proches dans la première phase de la maladie
Pourtant, dans la première phase de la maladie, le soutien de mes proches a été essentiel. Ils ont été d’une grande présence, ils m’appellaient très souvent pour prendre des nouvelles, venaient me rejoindre lors de mes séances de chimiothérapie, même si cela nécessitait de faire plusieurs heures de route. Ils m’ont accompagnée à chaque étape importante, et notamment lors de l’ablation de mon sein malade, où ma sœur est restée plusieurs jours avec moi à l’hôpital. Sans ce soutien, il aurait été bien plus difficile de supporter la maladie.
J’ai même été accueillie chez une cousine pendant mes séances de radiothérapie pour réduire la fatigue liée aux allers-retours quotidiens. C’est cette présence, toujours bienveillante, qui m’a permis de tenir dans ces moments si difficiles. Mais voilà, cette implication intense a aussi conduit à un surinvestissement émotionnel de leur part.
Le surinvestissement des proches : une présence étouffante puis une incompréhension douloureuse
Pendant des mois, mes proches se sont beaucoup investis dans mon parcours de soins. Leur présence était constante, parfois même – malgré eux – étouffante. Ils voulaient que je suive ce que me disaient les médecins et que je continue les traitements coûte que coûte.
Lorsque j’ai pris la décision d’arrêter la chimiothérapie, une décision qui allait à l’encontre des conseils médicaux, mes proches n’ont pas compris mon choix. Ils ne savaient pas vraiment ce que je vivais à ce moment-là.
Ils étaient en colère contre moi, persuadés que je prenais une mauvaise décision. Cette incompréhension a créé un fossé entre nous, et ils ont pris de la distance. Cet éloignement soudain a été très difficile à vivre pour moi car, après avoir été si entourée, me retrouver seule a provoqué un profond sentiment d’abandon.
Quand j’en ai discuté avec eux, quelques semaines après ça, ils m’ont expliqué qu’ils ne savaient plus quoi me dire, qu’ils se sentaient démunis face à mes choix et que pour certains d’entre eux, il leur était même impossible de les accepter. Ils craignaient de ne pas trouver les bons mots, d’être maladroits, et ont préféré se retirer. Leur réaction est, bien sûr, motivée par leur amour et leur inquiétude, mais elle a laissé un vide émotionnel immense.
Le besoin de soutien inconditionnel : comprendre sans juger
Cette période m’a permis de comprendre combien il est essentiel, pour un malade, de recevoir un soutien inconditionnel. La décision d’arrêter la chimiothérapie n’a pas été simple, mais elle était celle dont j’avais besoin.
Même face à la récidive aujourd’hui présente, je ne regrette rien, car cette décision m’a permis de me reconnecter à moi-même, à ce que je souhaitais vraiment.
Ce que j’aurais voulu, c’était que mes proches respectent ce choix, même s’ils ne le comprenaient pas, même s’il leur faisait peur. J’aurais eu besoin qu’ils soient à mes côtés, simplement pour m’accompagner, sans juger.
Les projections des proches : un fardeau émotionnel pour le malade
Les proches projettent souvent leurs propres peurs et émotions sur le malade. Ils veulent protéger, contrôler, mais ces projections peuvent devenir un poids énorme pour celui qui lutte déjà avec sa propre souffrance.
Mes proches, comme tant d’autres, voulaient que je continue les traitements coûte que coûte. Pour eux, c’était un symbole de combat contre la maladie, un moyen de ne pas « abandonner ».
Mais pour moi, cette décision d’arrêter la chimiothérapie était au contraire un acte de reconquête de moi-même.
Comment la sophrologie peut aider à retrouver l’équilibre
C’est dans ces moments d’incompréhension et de tensions que la sophrologie peut jouer un rôle clé. Elle aide non seulement les malades à se recentrer, à écouter leurs besoins profonds, mais elle peut aussi offrir aux proches un espace pour apaiser leurs propres angoisses.
Par des exercices de relaxations dynamiques et de visualisations, la sophrologie permet de se libérer des tensions, de retrouver un espace de calme et de dialogue. Elle aide à se reconnecter à ses propres ressentis tout en accueillant ceux des autres, sans jugement.
Personnellement, la sophrologie m’a aidée à soulager mes nausées lors de la chimiothérapie, et ça m’a permis de mieux gérer les effets secondaires du traitement.
Pour les proches, la sophrologie offre des outils pour mieux accompagner sans imposer, pour être présents sans étouffer. Elle permet de gérer l’angoisse et le sentiment d’impuissance qui peuvent amener à prendre de la distance, comme cela a été le cas avec ma famille.
En retrouvant un équilibre émotionnel, il devient possible de mieux soutenir l’autre, même face à des décisions difficiles à comprendre.
L’incompréhension des proches : un défi à surmonter ensemble
Aujourd’hui, je suis en paix avec ma décision, même si je récidive. Ce qui compte, c’est que je me suis toujours sentie alignée avec ce choix.
Je sais que mes proches, dans leur amour et leur peur, ont eu du mal à l’accepter. Mais il est essentiel de rappeler que ce dont un malade a le plus besoin, c’est d’un soutien inconditionnel.
La sophrologie, en créant un espace de dialogue et de gestion émotionnelle, peut aider à surmonter ces incompréhensions, et permettre à chacun de trouver sa place dans l’accompagnement.
Pourquoi je me spécialise dans l’accompagnement des personnes atteintes de cancer
C’est justement parce que je traverse actuellement cette épreuve que j’ai choisi de me spécialiser dans l’accompagnement des personnes atteintes de cancer.
La sophrologie m’a beaucoup aidée à traverser les moments difficiles de mon parcours de soin, à retrouver un ancrage intérieur et à mieux gérer le stress, les nausées, et l’angoisse qui accompagnent souvent la maladie.
Je souhaite aujourd’hui apporter cette aide à d’autres personnes vivant un parcours similaire au mien. Offrir cet espace de bienveillance et de compréhension est, pour moi, un moyen de contribuer à alléger ce fardeau pour ceux qui en ont besoin.